Cadratin
[INTERRUPTION – INTERVALLE ZÉRO – MODULE DE PAUSE]
Nox (assis sur une chaise bancale, jambes croisées, tasse en main, front plissé) :
— Non mais sérieusement… Qui c’est le génie intergalactique qui a inventé le "tiret cadratin" ? Hein ? Ce grand malade qui s’est dit : "Tiens, si je foutais un petit bâton super long au début de chaque phrase de dialogue, juste pour faire chier les gens qui écrivent à la main ou qui savent pas comment l’écrire sur un clavier" ?
(Elle lève la tasse, s’arrête, la repose)
— Et bien sûr, faut pas confondre avec le tiret demi-cadratin. Ni avec le trait d’union. Ni avec ce foutu – qui s’aligne jamais. Non, faut que ce soit —, la grande barre de l’élégance typographique, genre :
"Regarde-moi bien, j’ai le style de Gallimard dans les pattes, moi, monsieur."
(Elle attrape une vieille plaque de clavier débranchée et la brandit comme un sandwich radioactif)
— J’ai démonté six claviers et huit interfaces holographiques pour trouver une touche qui me tape ça direct. Tu sais ce que j’ai trouvé ? RIEN. Nada. Même pas un raccourci. Faut faire ALT+0151 ou un machin secret à base de magie noire et de Ctrl+Maj+Trucmuche.
(Elle boit une gorgée de café, grimace)
— Et après on s’étonne que les gens foutent des tirets normaux comme des gros sagouins. Tu m’étonnes. Même moi, parfois j’hésite. Moi, bordel ! J’ai tout démonté dans cette foutue colonie, j’ai rallumé un droïde à moitié mort, mais les tirets ? Non. Les tirets me battent.
(Elle lève les yeux, comme si elle regardait l’auteur)
— Alors fais-moi plaisir, Philippe : si tu veux que je parle — ce que je fais quand même tout le temps —, mets-moi des beaux vrais cadratins. Pas des pauvres petits trucs déprimés qu’on copie-colle depuis WordPad. Et si un jour tu me donnes une réplique avec un tiret court, genre juste - avant une phrase ?
Je quitte le livre.
Voilà. Je t’aurai prévenu.