Dock Rancid — 03h16, atmosphère saturée

Le silence des étoiles venait d’être brisé. Un croiseur lourd de la FCoT avait fait demi-tour. Personne ne comprenait pourquoi. Sauf ici, bien sûr.

Le serveur nettoie pour la quatrième fois le même verre. Personne ne l’utilisera.
Le barman dort. Debout.

Pétoch, lui, ne dort jamais. Il fermente.

— J’te l’avais dit.

Le Prophète des Vapeurs s’étire lentement, comme un lézard fluo dans un sauna.

— C’est pas la première fois que tu dis un truc.
Mais là, j’le sens… y’avait du vrai.

— J’l’ai senti dans le siège. Ce soir-là. J’me suis assis… et bam.
Un frisson dans le coxis. Un reflux de temps.
Un croiseur allait faire demi-tour, c’était certain.

Le Prophète hoche la tête, très lentement.

— Ils ont vu quelque chose.

— Ou quelqu’un.

— Ou ils ont eu la trouille.

— Ou un message. En lettres majuscules. Gravé sur le radar.

Ils boivent. À vide. Encore.

Pétoch tend son bras vers l’écran figé. Une image floue du croiseur Vigilo-14, qui vire lentement, sans motif apparent.

— T’as vu ça ?
C’est un mouvement parfait.
Comme un requin qui décide qu’il va pas bouffer aujourd’hui.

— Peut-être qu’il a eu peur de se faire bouffer lui-même.

— Ouais.
…Tu crois qu’y a quelqu’un qui leur a parlé ?

Le Prophète baisse les yeux.

— Y’a toujours quelqu’un.

Silence.

— Et cette gamine… Celle dont tout le monde parle maintenant… Tu crois qu’elle y est pour quelque chose ?

Pétoch lève un doigt tremblant. Solennel.

— J’l’ai croisée.
(temps)
Elle m’a dit bonjour une fois.

Le Prophète ne répond pas.

Pétoch :

— Non mais c’est vrai.